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Öxxö Xööx – « Rëvëürt » (2011)

Parution :Format :Label :Univers :Pays :
Octobre 2011LPApathia recordsDoom avant-gardisteFrance

Pour vous procurer l’album via BANDCAMP : cliquez ici

Track-list :

  1. Ägörth
  2. Tërëä
  3. Ämä
  4. Ctënöphörä
  5. Yüm
  6. Nöc säë
  7. Lïnï
  8. Dör
  9. Sülï

Line-up : Laurent Lunoir : Vocaux, guitares, basse, claviers, programmations, batterie électronique.
Laure Le Prunenec (aka Rïcïnn) : Vocaux additionnels, piano (fin de Lïnï).
Igorr : Programmations (première partie de Tërëa).
Membres additionnels : aucun.


Il y a quelques mois, Öxxö Xööx accouchait de leur premier album comme le talent le fait pour l’art. Cet opus intitulée « Rëvëürt » est un hymne à la Terre, à la Vie, entre fascination et désespoir, un cri pour l’environnement, une prière pour l’éveil des consciences. D’ailleurs je reprendrais un passage de la biographie du groupe qui dit : « Au niveau du sens, « Rëvëürt » signifie la révolte de la vie au plus profond de nous-mêmes, une révolte qui tente de nous faire sortir de nos ténèbres croupissantes pour apprendre à vivre dans ce monde ne nous correspondant pas toujours. ».

J’ai longtemps voulu chroniquer ce petit miracle musical mais impossible de le faire dans la hâte, vous comprendrez pourquoi si vous avez déjà eu la joie d’écouter quelques titres. Pour ceux qui découvrent, je vous le dirai : cet album est une carte aux trésors. Il est absolument nécessaire de traduire cet étrange langage inventé, de saisir la musique, d’en savourer la composition, même de s’amuser à déchiffrer tous les petits symboles qui composent l’artwork.

Ce dernier est signé par le leader du groupe, Laurent Lunoir, une tête si pleine de rêves qu’il vous en ferait chavirer les couleurs ! Nous avons rendez-vous avec du noir, du bleu, du blanc, d’étranges méandres aux tribales arabesques, entre courants électriques, figurant au centre de tout, un superbe arbre de vie. Ce digipack est fort bien mis en valeur et les paroles du livret sont agréablement lisibles, ce qui n’est pas rien lorsque l’on doit y poser les yeux des heures durant dans le but de traduire cette langue nouvelle, nimbée de tréma.

Dans sa biographie, Öxxö Xööx nous prévient par avance que cela n’est pas chose facile, qu’il est nécessaire de traduire la phrase pour réfléchir à ces mots mélangés et trouver la clé : composer nous-mêmes en « à peu près » les paroles. Et quelle tâche est-ce là !

Avant donc d’en venir à la critique musicale, j’aimerai immédiatement vous faire part de ma traduction (le lexique est disponible sur le Bandcamp du groupe). Le mot à mot ne rimant à rien, je vous guiderais juste dans le thème, afin que vous aussi puissiez chassez les trésors linguistiques à en faire se déchirer le livret. Ce fut fabuleux, car de nos jours, on ne le parcours plus, sinon à l’achat peut-être… Öxxö Xööx vous transporte de toutes les manières possibles…


« Rëvëürt » commence dans une chaude douceur avec le titre Ägörth. Ici c’est l’agonie de la Terre, l’état de fait de la violence de l’homme contre sa Mère, et la douleur rythmée par un superbe :

« Äï äï
Ün sän für färündï
Ünpäïön vüntï ön
 »

Retombant avec espoir sur le fait que l’homme corrigera ses erreurs et prendra soin de la Terre…

Tërëä s’adresse aux Terriens. Qu’ils cessent de polluer, se rendent enfin compte de l’énergie vitale qu’est la Terre et qu’il nous faut retrouver la connexion à cette « racine étincelante ». D’ailleurs la fin du texte nous y invite après « cris » et « hurlements »…

Ämä laisse exceptionnellement place à une introduction en anglais assez parlante :

« Come into my heart
I’m giving to you the key
Of my dark castle
 »

L’on quitte la terre pour le ciel, certes enténébré mais ô combien romantique, avec une vision d’enfer entre douleur et libération. Sombre à souhait.

Avec Ctënöphörä on entre dans le bilatéral, comme cette image pleine page au dos du livret dépliable. Ici, Öxxö Xööx fait donc référence à ces minuscules animaux marins qui forment un embranchement, un cténophore. C’est sur ce texte que l’on retrouvera la fameuse révolte du cœur, écrite « rëvëürt », ma chanson préférée. C’est l’alliage de tant de bien et de maux, de tant de rêves et de pleurs, puis le véritable don de soi à cette Nature-phénomène : « Vöïcïs mï läë ». Le titre le plus profond de tout l’album, selon moi. Frissonnant.

Yüm, l’homme. Mot que l’on retrouve très souvent, tout comme « täë » (terre). Le rapport est constamment fait, l’un n’est rien sans l’autre, tandis que la terre, elle…
L’accusation est lancée, l’homme pointé du doigt, pollueur et pilleur de ressources.

Nöc Säë traduit un esprit sombre, comme un néant avalant toute chose. Il y a ici la souffrance de l’impuissance face aux cruautés, mais aussi une certaine rage. Un titre ténébreux et las, comme parfois l’esprit peut l’être devant tant d’ignorance, je pense.

Lïnï signifie « arbre de vie ». Cette chanson fait revenir cette même révolte du cœur concernant l’arbre de vie et ce que nous en faisons, ce qu’il ressent. C’est un petit bijou poétique, une sorte de cri transportant tous les espoirs d’une liberté nouvelle.

« Ö fürï cün dürï äë fürï ïn täë
Cündütün dërï düläë fürï mï ëürt
 »

Enfin Sülï, dernier titre de cette révolte, parle des ténèbres lumineuses. Une sorte d’apocalypse ? Il est difficile de traduire ce texte, je dois le reconnaitre ! Si j’ai bien saisi le puissant espoir qui baigne ces mots, je ne saurai vous en dire davantage !

Ainsi comme vous aurez pu le constater, « Rëvëürt » est plus un album de révolte que de consignes écologiques. C’est la voix d’une conscience qui dit tout simplement non à la laideur que d’autres, trop fermés, ne savent ni ne veulent entendre.
Si vous me lisez encore à ce stade, c’est que la votre est bien ouverte…

Continuons à disséquer cet album.
Si le langage est beau, travaillé et poétique, certains regretteront vite de ne pouvoir mieux comprendre le sens du texte, et dans ce monde où tout va vite, je trouve cela assez compréhensible.
Toutefois, la musique ne laisse pas en reste, elle est avec l’originalité du langage, la signature de cet atypique groupe.

Proche de celle de Liturgy Of Decay, c’est un délice sonore. En effet, Laurent Lunoir n’est autre que son ancien guitariste, d’où le rapprochement.
Ce dernier a une voix qui sait se faire douce ou hurlante, toujours en profondeur, comme tirée des entrailles d’un chamane en transe. Qu’elle éructe ou caresse, elle est agréable et forte d’émotions, toujours poussée sur des notes qui s’étirent. Il faudra remercier les effets en studio qui ont permis le chevauchement d’hurlements comme des nappes synthétisées, une parfaite réussite selon moi de Hervé Faivre et Gautier Serre (Improve Tone Studio).
Quand à la voix de Laure Le Prunenec, si elle se pose en backing vocal, elle n’en est pas moins divinement présente ! Sa tonalité dans cet album est enchanteresse, parfaite d’innocence, émergeant toujours au moment le plus propice.

Techniquement, j’ose dire que la production est relativement bonne, qu’une écoute au casque permet de saisir encore mieux toutes les infinités des sons, ce n’est pas le cas avec nombres d’albums. La composition musicale reste simple, mais Öxxö Xööx n’est pas là pour ça, ce qui compte ce sont les émotions, les jeux de rythmes, les tempos martelés d’électronique. Ici, j’aurai adoré pouvoir entendre une véritable batterie, je pense que cela aurai donné une puissance plus grande encore à la magie des titres, car à force la boîte à rythmes a tendance à exposer sa superficialité et le charme se romps un instant. Toutefois ces martèlements arrivent toujours sur les bons mots, les passages les plus durs, comme pour faire éclater le crâne et libérer la conscience, l’esprit, bref détruire la cage spirituelle des hommes en mal d’ouverture, autrement dit leur « lïbërsäë ».

Cette musique est à la fois une féerie de sons et une brutalité rythmique, selon ce qu’elle raconte elle-même, car il n’y a pas que les mots qui parlent dans cet album, la musique en est purement la troisième « voie ».

Pour conclure, j’insisterai sur la qualité de la présentation, tant visuelle qu’auditive, le souci du détail qui note après note a pu donner un tel chef-d’œuvre, la patience et l’amour des membres qui n’ont pas eu peur des années de travail avant l’achèvement du bijou musical et bien évidemment, le message environnemental qui y règne en maître. De bout en bout, cette œuvre qu’est « Rëvëürt » est une merveille de révolte…

Je salue bien bas ces âmes engagées.
Tänk für tshë…

Playlist de l’album.

Présentation du groupe

La scène gothique ne cesse d’évoluer en s’offrant des artistes toujours plus innovants, que ce soit dans l’art du chant, de la composition ou de l’approche des textes.
Est-il alors surprenant de voir débarquer le groupe au nom carrément atypique voir tiré par les cheveux Öxxö Xööx ? Je vous dirai que oui, parce qu’il faut simplement prendre la peine de se pencher sur le concept et c’est exactement ce que je vous offre avec cette présentation : une énième clé pour le royaume des mots réinventés.

Combien de fois n’a-t-on pas désiré un nouveau langage, plus beau encore, plus enchanteur, pour se révéler nos secrets, se confier notre amour ou faire la nique à Tolkien ?!

Pour ne reprendre que l’essentiel, tout étant dit par le groupe dans leur biographie disponible en ligne, Öxxö Xööx est un concept tant sonore que visuel, destiné à faire s’exprimer la vie mutilée au plus profond de l’être, c’est-à-dire la souffrance humaine, animale et végétale dans son ensemble.

Si le groupe était au début basé sur des questions plus extraterrestres et une vie possible ailleurs, le projet a été revu et mis en gestation sept années durant afin de créer tout un univers personnel et esthétiquement délicieux, « tribal et tellurique ».

Le langage inventé, contenant quelque 300 mots pour le moment est disponible en traduction sur le Bandcamp du groupe, en version Öx/Français. Ce sont des mots nés de l’intuition ou en lien avec des langages existants, sans grammaire, permettant une « vision complètement singulière de l’expression » et traduisant des « émotions spontanées qui engendrent des sonorités ».

En ce qui concerne le nom du groupe, Öxxö Xööx signifie « 69 ». Ne mettons pas l’accent sur le sens sexuel de ce chiffre mais plutôt sur celui de symboliser « le désir de retourner le 6 en 9 afin de tenter de regarder la part lumineuse en toutes choses aussi sombres soient-elles » et représenter la « dualité, l’équilibre entre les forces opposées de l’univers, l’éternel recommencement et l’élévation grâce à la création », ce chiffre représentant l’évolution. Techniquement, le nom du groupe « est à la fois tiré du yin et du yang, de l’Ouroboros et du langage binaire ».

Se considérant du genre doom avant-gardiste, deux voix humaines sont présentes sur les pistes, celle de Laurent Lunoir gérant tous les instruments et celle de Laure Le Prunenec. Mais le line-up comprend également d’autres personnes comme Igorr même si ce dernier est à la programmation, chacun ayant sa place s’il a activement participé. C’est ici aussi que l’on retrouve l’amour de l’union.

C’est en octobre 2011 que leur premier album a vu le jour, « Rëvëürt » chez Apathia Records. Une perle musicale, conséquence de la promesse du concept d’Öxxö Xööx, à savoir la cause animale, la quête spirituelle et l’écologie.

Le monde avait besoin de ce concept, que je traduirai plutôt de « rêve ». Alors longue vie à ce groupe français capable de transporter tout un être avec quelques couleurs, quelques notes et tout l’amour des cœurs purs.

Düntäë.

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