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Le triangle d’or

Le 2 mars, l’un des grands chanteurs français s’est écroulé. Herbert Léonard ne passait pas souvent dans mes choix musicaux, pour ainsi dire presque jamais, pourtant une chanson a marqué ma mémoire, m’influençant grandement. Ou peut-être m’a-t-elle simplement montré le chemin ?

1987. J’avais 7 ans et la radio passait souvent un tube fraîchement pressé : « Quand tu m’aimes » de Herbert Léonard. Mélomane éclectique, si j’ai accroché cette musique typique des années 80, c’est surtout les mots que j’aimais entendre. Puis j’ai vu le clip… Pour ceux qui se souviennent, c’était un clip vraiment osé pour l’époque, mais que je trouvais hypnotique. Aujourd’hui, mon esprit d’adulte peut vous dire « magnifique d’érotisme » : on n’y voit rien en y voyant tout, d’ailleurs cela fonctionne aussi dans l’autre sens. De l’érotisme bon marché qui de nos jours pourrait passer pour un érotisme sophistiqué tant la pornographie a gagné en visibilité. Du charme au vulgaire, il n’y a qu’un pas.

Mais revenons à ce qui m’importait le plus (et m’importe toujours) : le texte. Ici, rien de bien sublime, ce n’est pas de la grande poésie, mais une image m’a particulièrement marquée. Je chantais à tue-tête « Je n’ai qu’un pays / Celui de ton corps / Je n’ai qu’un péché / Ton triangle d’or ». Ma mère me dit alors : « Sais-tu ce que c’est que le triangle d’or, au moins ?! ». Je dois être sincère, je ne me souviens plus du tout de sa définition mais j’ai bien compris qu’il s’agissait d’un pubis blond ! Fichtre ! Mais que c’est beau ! L’implantation des poils pubiens d’une blonde se sublimait soudainement en un triangle d’or !
Instant de méditation.
Révélation.
Poésie.

En écrivant ce billet, j’ai appris que le Triangle d’Or est également un lieu historique lié à l’opium. Décidément, les paradis artificiels font bon ménage avec la volupté !

Le Triangle d’Or tire son nom de sa situation géographique unique où convergent les frontières de trois pays : la Thaïlande, le Laos et le Myanmar. La forme de cette zone, définie par le fleuve Mékong, ressemble à un triangle, d’où son nom évocateur. Mais le ‘Or’ dans ‘Triangle d’Or’ n’a pas de lien avec des gisements de métaux précieux, comme on pourrait le penser. Au contraire, il fait référence à une époque où la région était considérée comme l’une des plus grandes zones de production d’opium au monde.

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Au fil des années, je comprenais de mieux en mieux cette chanson, et chaque compréhension déclenchait en moi un frémissement de beauté. C’est ainsi que j’ai glissé vers l’érotisme, par le texte de cette chanson bien plus que par le clip (qui au passage aurait pu être fabuleux mais les choix de l’époque restent ce qu’ils sont). Également, cette histoire de triangle m’a permise de faire un choix crucial dans l’évolution de la gestion de la pilosité. En effet, si dans les années 80 le poil pubien était long et bouclé, j’ai grandi avec les rasoirs, cires et crèmes qui exigeaient que le territoire soit net de tout poil. Pour moi, c’était une hérésie : massacrer le triangle d’or ! Oh, je ne vous parlerai pas d’intimité mais quoi de plus beau que cette forme triangulaire, ce symbole sacré, cette flèche pubienne guidant vers les délices ?!

Allons ! Je ne résiste pas à vous partager quelques phrases dudit texte, et je vais même me permettre de l’accompagner de quelques commentaires. Pour le plaisir 😉

« Sous mes doigts impatients / Trouver ta voie sacrée » : À cette époque, nous aimions les films d’aventures comme « Les Goonies » ou encore « Indiana Jones ». Alors « Trouver ta voie sacrée », je pensais que ce devait être quelque chose comme cela… Queneni, Herbert évoquait ici le divin doigté !

« Je n´ai qu´un pays / Celui de ton corps » : Ah ! Cette notion territoriale est restée tatoué sur ma plume alors en germination. J’oserais même dire que son ADN en est tout imprégné ! J’adore cette notion de pays de chair, d’appartenance à l’existence de l’autre, où la patrie devient organique, et l’amour de cette nation une adoration de l’autre.

« Je n´ai qu´un péché / Ton triangle d´or » : Bien avant que Mylène Farmer ne s’allonge sur le sol ensanglanté d’une chapelle abandonnée, cette notion de « péché » mis en rapport avec la poésie de ce fameux « triangle d’or » sonnait pour moi comme un aveu terriblement excitant. Mais ce que j’aimais le plus était le fait qu’il y avait plus que Dieu à adorer, il y avait l’autre…

« Lorsque tu dénoues / Tes jupons soyeux » : Rien de bien formidable ici, me direz-vous peut-être, mais le mot « dénouer » associé à « jupons », le tout sublimé par la soie… je vous répondrai qu’il en faut peu pour être heureux ! L’image est superbe, d’autant plus que lui ne peut rien faire d’autre en attendant ce « dénouement », seulement s’engloutir au fond de ses yeux. Il s’abandonne, cède et finalement plonge dans le regard de celle qui possède les clés de tout son être.

« Ta gorge étincelante / Tes buissons secrets » : Encore des images ! Une gorge étincelante, pour ne pas dire l’éblouissement renvoyé par des seins indescriptibles. Et ces buissons secrets… La voici nue, offerte, dans sa nature de femme, mystérieuse, sacrée, sauvage.
La beauté de la métaphore.

« Je paie le prix que paie / Le vice à la vertu » : Alors celle-ci ! Il faut savoir que j’ai eu bien du mal à la dire d’un coup lorsque j’étais petite, mais je n’y comprenais rien jusqu’à ce qu’adolescente, je saisisse ce fameux prix que paie Vice à Vertu, et pourquoi c’est Herbert qui paie ce prix, d’ailleurs ! Alambiqué, mais en somme, le fait qu’il ne s’appartienne plus et que sa vie soit un enfer d’impatience qui le ronge EST le prix. Pour qu’il y ait le vice, une contrepartie doit être donnée à la vertu, il faut attendre pour profiter, je pousserai même jusqu’à dire qu’il faut souffrir la distance pour la réduire à néant dans un baiser.
On sent ici que le romantisme prend le pas sur l’érotisme, mais que voulez-vous, on ne se refait pas !

Je m’arrête ici car ces quelques mots sont surtout ceux qui ont dessinés les contours, si je puis dire, de mon attrait pour l’érotisme. Plus tard, j’ai découvert des poèmes, des auteurs, des films, mais ce « triangle d’or » a véritablement été comme un écho auquel ma poésie a répondue. Je ne comprenais rien à toutes ces images mais j’en avais saisi l’essence.

Je ne vous partage pas la vidéo du clip, cela gâcherai ce que j’ai essayé de vous dépeindre de mes sensations. Libre à vous d’aller plus loin. Pour ma part, je clos ce billet sur l’interprétation que j’avais de ce triangle d’or avant que ma mère ne me l’explique : il n’était rien d’autre que le célèbre triangle des Bermudes, où bateaux et avions se perdaient. Herbert pouvait très bien s’y perdre aussi. Après tout, l’amour nous perd tous.

Monsieur Léonard, paix à votre âme. Et merci.

Published inBLOGPenséesSonorités

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