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On ne se consacre pas à la poésie

Quand mon premier cri s’est envolé,
Dans la douceur d’un matin de juin,
Mon innocente paume était gravée
D’une vie faite de rêves en contrepoint.

Ah ! La douce mélodie qui berça mes heures
Au jardin de l’enfance ! Mes heures et mes espoirs,
Mes espoirs et mes soupirs, d’heure en heure…
Jusqu’à ce que la matière vienne broyer du noir.

Dans son mortier plein de questions,
Elle pilait, écrasait, réduisait en poudre
Une féerie dépourvue de bastion.
Elle dit : « Il me reste ton cœur à moudre. »

Mon cœur, de lui-même, s’offrit à ses mains.
Le pilon montait et tombait comme une masse,
Sur les amours que contenait cet organique écrin.
Je me tordais de douleur, couverte de grimaces.

« Le plus dur, mon enfant, c’est la première page. »
Versant le contenu d’une fiole dans le mortier,
Elle termina son alchimique ouvrage
Qu’elle m’offrit avec une plume et un cahier.

« Voici, fille du verbe, ce dont tu auras besoin
Pour arpenter le monde des hommes, ici-bas.
Prends soin de cette précieuse encre qui contient
La mémoire des Poètes ayant vécus avant toi.

Ne laisse personne prendre ta plume, tu mourrais !
Chéris la toujours comme une divine amante.
Quant à ces pages vierges du moindre trait,
Seul ton esprit en activera la magie imminente.

Parfois elles resteront blanches, désespérément.
Toutefois, ne crains pas la fin car en ces sphères
Où naît l’inspiration, les âmes des Poètes d’antan
Se concertent sur l’œuvre à venir sur cette Terre…

Tour à tour, ils te guideront dans cette aventure,
Te soufflant des vers, comme un souffleur de verre,
Sculptant pour toi le calligramme, la rime ou la césure.
Aussi, toujours rendras-tu grâce aux trépassés de tes pairs.

D’années en carnets, le florilège de tes créations
Remplira de fantômes tes casiers et tiroirs,
Et pour la solitude tu auras une étrange adoration,
Dont tu retireras la paix, la profondeur et le savoir.

On naît Poète, cela tu le sauras au terme de ta vie
Et tu accepteras que Monsieur Cocteau ait dit
Que l’on ne se consacre pas à la poésie ;
On s’y sacrifie ! »

Ce texte est issu du recueil de poèmes « Billets d’âme – Tome 2 – Le théâtre des langueurs »

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