
Comment naît la rosée
Une nuit, j'ai demandé à Morphée D'où venait la rosée du matin. Aux cils tombants il vint me retrouver, Écartant le songe du revers de la main. « Suis-moi, toi qui veux savoir Comment naît la rosée du monde Je t'en offre le secret ce soir Cache le sous ta plume féconde ! » Ainsi j'embarquais à bord du Rosae Navire de marbre à coque d'argent Scintillant sur les flots colorés Du royaume de l'enchantement. Au vent du rêve je respirais L'imaginaire, m’oxygénais d'idéal, Puis Morphée à la barre pointait Une rose aux orangés pétales. Géante des mers haut perchée Sur une vague verte, tel un lotus Qui, saisie dans son essor, figée, Soutenait la demeure d'une Vénus Les amarres furent larguées en son creux. Nos pas ne laissèrent nulles empreintes Sur le mouvant dallage aqueux, Rappelant les teintes de l'absinthe. Je grimpais les marches flanquées Le long des étamines jaunes, Jusqu'au sommet parfumé - Lit de pollen ou mœlleux trône - Je découvrais ce paysage doré Sur lequel s'étendait la Merveille, Apparition, aube hyperborée Chassant les ténèbres qu'elle balaye. La chevelure pailletée d'étoiles Sur sa peau d'astre et de ciel, Elle avait tout de ces boréales Aurores, la magie essentielle. Interdite, je n'osais la rejoindre Lorsque d'un geste elle m'invita A ces côtés, prête à m'oindre D'une étrange huile de coma. Elle parla sans bouger les lèvres, Du bout de la pensée me dit : « N'aie crainte mon orfèvre Je ne fais que t'endormir ici. Il te faut passer les portes Qui mènent au rêve profond Lieu sacré où je t'escorte De mon doigt sur ton front. » Je sentis l'huile me brûler, Agir, investir mon sang Puis je me mis à chavirer, Entre ses bras évanescents. Sa main, douce et chaude Parcourait mon visage, Les ongles écrivant une ode - La sienne - dans ce fin sillage. Marqué de sa vie onirique J'étais pâle et bleue d'elle, Pierre de lune antique En son cœur-escarcelle. C'est aux abyssaux délires Que Vénus me vouât, Pour que puisse s'ouvrir La porte du Nirvāna. Silence. Clapotis en écho... Son pas dans l'ombre d'un boudoir, Son pied plongeant dans les eaux D'un bassin de pierres noires. « Larmes d'apaches polies, Dit-elle en désignant son bain. Pierre de tristesse d’un pays Où les pleurs ne furent pas vains : Jadis les femmes d’une tribu Pleurèrent devant tant d’horreurs Que leurs larmes sont devenues Des pierres contre tout malheur. Depuis lors je veille comme une mère, Sur le souvenir des passions De ceux qui jadis s'aimèrent Et toujours s'aimeront... » Son regard guida le mien Vers sa chair frémissante, Dévoilant la pointe d'un sein Où perlait une goutte iridescente. Du dessus de l'ongle elle la récolta, Déposant sur une oblongue pierre La bien-née perle qui libéra Une pure et intense lumière. Alors partout sur les larmes Un voile humide se formait. Vénus le captura d'un charme : Entre ses paumes, la rosée naissait. Superbe dans ces eaux aigue-marine, Illuminées par des rayons bleus, Vénus, grâcieuse ballerine, Me jeta un regard malicieux. Elle s’approcha, les mains serrées, Laissant s'écouler sur moi Un peu de cette fraîche rosée Que je recevais avec émoi. « Maintenant, tout va s’apaiser. La rosée va pénétrer en toi Jusqu’à l’âme tel un baiser. Morphée t’attend, va ! » Réveil. Ô silence qui ronge Tout le jour et chaque fois Quand sa voix dépasse le songe Et murmure « Rejoins moi ! ».
Texte issu du recueil de poèmes « Confatalis »
2 Commentaires
Anonyme
27 octobre 2012 at 10:33Une voix enchanteresse, des mots sortilèges…Quand ta poésie m'émerveille…
Lucy
27 octobre 2012 at 13:58A votre service, Muse…